Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/85

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Sophie, les citoyens des différentes classes et les personnes des deux sexes se portèrent en foule à la cellule du moine Gennadius[1], pour consulter ce religieux qui passait pour l’oracle de l’Église. Le saint personnage ne se montra point : absorbé, à ce qu’il paraît, dans ses profondes méditations ou dans ses extases mystiques, il avait seulement exposé sur sa porte une tablette, où la multitude entière lut successivement ces terribles paroles : « Misérables Romains ! pourquoi abandonnez-vous la vérité ? pourquoi, au lieu de mettre votre confiance en Dieu, comptez-vous sur les Italiens ? en perdant votre foi, vous perdrez votre ville. Seigneur, ayez pitié de moi ! je proteste en votre présence que je suis innocent de ce crime. Misérables Romains ! faites vos réflexions, arrêtez-vous, et repentez-vous ; au moment où vous renoncerez à la religion de vos pères, en vous liguant avec l’impiété, vous vous soumettrez à une servitude étrangère. » D’après l’avis de Gennadius, les vierges consacrées à Dieu, pures comme les anges et orgueilleuses comme les démons, s’élevèrent contre l’acte d’union, et abjurèrent toute

  1. Son nom séculier était Scholarius, auquel il substitua celui de Gennadius quand il se fit moine ou lorsqu’il devint patriarche. Comme il défendit à Florence cette union qu’il avait attaquée à Constantinople avec fureur, Léon Allatius (Diatrib. de Georgiis, in Fabric. Bibl. græc., t. X, p. 760-786) s’est persuadé qu’il avait existé deux hommes de ce nom ; mais Renaudot (p. 343-383) a rétabli l’identité de sa personne et la duplicité de son caractère.