Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 13.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute crainte, il faisait d’impuissans efforts pour lancer son cheval dans la mer. Ses violens reproches, les clameurs du camp déterminèrent les navires turcs à une troisième attaque qui leur fut encore plus funeste que les deux autres ; et je dois citer, quoique je ne puisse le croire, le témoignage de Phranza, qui dit que, de l’aveu des Turcs, le massacre de cette journée leur coûta plus de douze mille hommes. Ils s’enfuirent en désordre vers les côtes de l’Europe et de l’Asie, tandis que l’escadre des chrétiens s’avança triomphante et sans aucun dommage le long du Bosphore, et mouilla en sûreté en dedans de la chaîne du port. Dans l’ivresse de la victoire ils soutenaient que la force de leurs bras aurait écrasé toute l’armée des Turcs. De son côté Baltha Ogli, l’amiral ou le Capitan Pacha, qui avait été blessé à l’œil, cherchait à tirer quelque consolation de cet accident, en assurant qu’il était l’unique cause de la défaite ; c’était un renégat issu des princes de la Bulgarie ; le vice détesté de l’avarice souillait ses qualités militaires, et sous le despotisme d’un prince ou celui du peuple, le malheur est une preuve suffisante de crime. Le rang et les services de ce guerrier furent effacés par le mécontentement de Mahomet ; quatre esclaves l’ayant étendue par terre en présence du sultan, il reçut cent coups d’une barre d’or[1].

  1. Selon le texte exact ou corrompu de Ducas (c. 38), cette barre d’or pesait cinq cents livres. Bouillaud lit cinq cents drachmes ou cinq livres, et ce poids suffisait pour exercer le bras de Mahomet et froisser le corps de son amiral.