Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/153

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blait défier la fureur des Barbares, et la garnison venait d’être renforcée de dix mille hommes. Mais quels avantages peuvent suppléer à la vigilance et à la discipline ? Énervées par le luxe et ensevelies dans la débauche, les nombreuses troupes de Trébisonde dédaignaient de garder des fortifications qu’elles jugeaient imprenables. Les Goths ne tardèrent pas à découvrir l’extrême négligence des assiégés : aussitôt ils préparent un grand amas de fascines, escaladent les murs dans le silence de la nuit, et parcourent la ville l’épée à la main. Les malheureux habitans périrent sous le fer du vainqueur, tandis que leurs lâches défenseurs se sauvèrent par les portes opposées à l’attaque. Les temples les plus sacrés et les plus beaux édifices furent enveloppés dans une destruction commune. Les Goths se trouvèrent en possession d’un butin immense. Les contrées voisines avaient déposé leurs trésors dans Trébisonde comme dans un lieu de sûreté. Les superbes dépouilles de cette ville remplirent une grande flotte qui mouillait alors dans son port. Les Barbares, libres de dévaster toute la province du Pont[1], emmenèrent avec eux une quantité prodigieuse de captifs ; ils enchaînèrent aux rames de leurs vaisseaux les plus robustes d’entre ces malheureuses victimes ; enfin, fiers du succès de leur première expédition navale, ils retournèrent

  1. Voyez une lettre de saint Grégoire Thaumaturge, évêque de Neo-Césarée, citée par Mascou, V. 37.