Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 2.djvu/444

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qu’ils ne redoutaient plus. Les prétoriens, persuadés que la grandeur de leur offense les rendait indignes du pardon, combattaient animés par la vengeance et par le désespoir : malgré leurs efforts réitérés, ces braves vétérans ne purent rappeler la victoire ; ils obtinrent cependant une mort honorable, et l’on observa que leurs corps couvraient le même terrain qui avait été occupé par leurs rangs[1]. La confusion devint alors générale. Incapables de se rallier, les soldats de Maxence, poursuivis par un ennemi implacable, se précipitèrent par milliers dans les eaux profondes et rapides du Tibre. L’empereur lui-même voulut se sauver dans la ville par le pont Milvius ; mais la multitude des fuyards qui se pressaient en foule sur cet étroit passage, le fit tomber dans le fleuve, où, embarrassé du poids de ses armes, il fut aussitôt noyé[2]. Le lendemain on eut

  1. Exceptis latrocinii illius primis auctoribus, qui desperatâ veniâ locum quem pugnæ sumpserant texêre corporibus. (Panegyr. vet., IX, 17.)
  2. Il se répandit bientôt un bruit très-ridicule : on disait que Maxence, qui n’avait pris aucune précaution pour sa retraite, avait imaginé un piége fort adroit pour détruire l’armée du vainqueur ; mais que le pont de bois, qui devait s’ouvrir à l’approche de Constantin, s’écroula malheureusement sous le poids des fuyards italiens. M. de Tillemont (Hist. des emp., t. IV, part. I, p. 576) examine très-sérieusement si, malgré l’absurdité de cette opinion, le témoignage de Zosime et d’Eusèbe doit l’emporter sur le silence de Lactance, de Nazarius et de l’auteur anonyme, mais contemporain, qui a composé le neuvième panégyrique.