Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/104

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primaient) dans l’aristocratie chrétienne[1]. Mais le pouvoir d’un monarque fut rejeté avec horreur, et le génie entreprenant de Rome, qui voulait soumettre toute la terre à sa puissance spirituelle, éprouva en Afrique et en Asie une résistance, que, dans des siècles plus reculés, leurs habitans n’avaient point opposée à sa domination temporelle. Saint Cyprien, qui gouvernait avec l’autorité la plus absolue l’Église de Carthage et les synodes provinciaux, s’éleva avec vigueur et avec succès contre l’ambition du pontife romain. Ce zélé patriote eut l’art de lier sa propre cause à celle des évêques d’Orient ; et, comme Annibal, il chercha de nouveaux alliés dans le cœur de l’Asie[2]. Si cette guerre punique fut soutenue sans aucune effusion de sang, ce fut bien moins l’effet de la modération que de la faiblesse des prélats rivaux. Les invectives, les excommunications étaient leurs seules armes ; et durant tout le cours de cette controverse, ils les lancèrent les uns contre les autres avec une fureur égale, et avec une égale dévotion. La dure nécessité

  1. Saint Irenée, advers. hæreses, III, 3 ; Tertullien, De prescript., c. 36, et saint Cyprien, epistol., 27, 55, 71, 75. Le Clerc (Hist. ecclésiast., p. 764), et Mosheim (p. 258, 578) travaillent à expliquer ces passages ; mais le style vague et déclamatoire des pères paraît souvent favorable aux prétentions de Rome.
  2. Voyez l’Épître véhémente de Firmilien, évêque de Césarée, à Étienne, évêque de Rome. Apud Cyprian., epist., l. 75.