Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/150

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fut enveloppée pendant trois heures dans des ténèbres surnaturelles. [Silence général des anciens concernant les ténèbres de la passion.]Cet événement miraculeux, si propre à exciter la surprise, la curiosité et la passion du genre humain, a été passé sous silence dans un siècle fécond en historiens célèbres, et où l’on cultivait les sciences avec succès[1]. Il arriva du temps de Sénèque et de Pline l’Ancien, qui ont dû éprouver les effets immédiats de ce prodige ou en être des premiers informés. Ces deux philosophes ont, chacun dans un ouvrage plein de recherches, parlé de tous les grands phénomènes de la nature, des tremblemens de terre, des météores, des comètes, des éclipses, qu’a pu recueillir leur infatigable curiosité[2], ils ont omis l’un et l’autre le plus grand phénomène dont l’homme ait jamais été témoin depuis la création du globe[3]. Pline consacre un cha-

  1. On a sagement abandonné aujourd’hui le passage célèbre de Phlegon. Lorsque Tertullien dit aux païens : il est parlé du prodige in arcarnis (non pas archivis) vestris, il en appelle probablement aux vers sibyllins, qui le rapportent exactement dans les termes de l’Évangile.
  2. Sénèque, Quæst. natur., I, 1, 15 ; VI, I ; VII, 27. Pline, Hist. natur., l. II.
  3. Le texte de l’Évangile mal compris a, selon de savans théologiens, donné lieu à cette méprise, qui a occupé et fatigué tant de laborieux commentateurs, bien qu’Origène eût déjà pris soin de la prévenir. L’expression σχοτος εγενετο (saint Matth., c. 27, V, 45) n’indique point, disent-ils, une éclipse, des ténèbres extraordinaires et complètes, mais une obscurité quelconque, occasionnée dans l’atmosphère soit par des nuages, soit par toute autre cause. Comme cet ob-