Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/162

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lement à quelque objet ou à quelque lieu particulier : en effet, le pieux déserteur qui fuyait les temples de l’Égypte ou de la Syrie, aurait également dédaigné de chercher un asile dans ceux d’Athènes ou de Carthage. Tout chrétien rejetait avec mépris les superstitions de sa famille, de sa ville, de sa province. Le corps entier des chrétiens refusait unanimement de reconnaître les dieux de Rome, de l’empire et de l’univers. En vain le fidèle opprimé réclamait-il le droit inaliénable que tout homme a de disposer de sa conscience et de son jugement particulier ; sa situation pouvait bien exciter la pitié des philosophes ou des polythéistes de l’univers païen ; mais ses argumens ne touchaient jamais leur esprit. Ils ne concevaient pas que l’on balançât à se conformer au culte établi ; et de pareils scrupules ne leur causaient pas moins d’étonnement que si l’on eût conçu une soudaine horreur pour les mœurs, l’habillement et le langage de sa patrie[1].

Les philosophes accusent les chrétiens d’athéisme et ont une fausse idée de leur religion.

À la surprise des païens succéda bientôt le ressentiment ; et les plus pieux des hommes furent exposés à l’injuste, mais dangereuse accusation d’impiété. La malignité et le préjugé se réunirent pour représenter

  1. D’après les argumens de Celsus, qui ont été exposés et réfutés par Origène (l. V, p. 247-259), on peut apercevoir clairement la distinction qui fut faite entre le peuple juif et la secte chrétienne. Voyez dans le Dialogue de Minucius-Felix (c. 5, 6), une peinture exacte et assez élégante des sentimens du peuple par rapport à la désertion du culte établi.