Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/194

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daïques[1] ; association singulière d’idées, qui ne peut s’appliquer, avec quelque vraisemblance, qu’aux chrétiens, connus d’une manière obscure et fort imparfaite par les magistrats et par les écrivains de ce siècle. Sur la foi d’une interprétation si probable, l’Église, trop empressée d’admettre les soupçons d’un tyran comme une preuve du crime honorable des accusés, a placé Clémens et Domitilla parmi ses premiers martyrs, et la cruauté de Domitien a été flétrie du nom de seconde persécution ; mais cette persécution, si on peut l’appeler ainsi, ne fut pas de longue durée. Peu de mois après la mort de Clémens et le bannissement de sa femme, Étienne, un des affranchis de Domitilla, et qui avait gagné la faveur de sa maîtresse, mais qui n’en avait sûrement pas embrassé la foi, assassina l’empereur dans son palais[2]. Le sénat condamna la mémoire de Domitien ; ses actes furent annullés, les exilés rappelés ; sous l’administration douce de Nerva, les innocens furent rendus à leur rang et à leur fortune[3] ; et même les plus coupables obtinrent leur pardon ou échappèrent à la rigueur de la justice.

Ignorance de Pline au sujet des chrétiens.

II. Dix ans après environ, sous le règne de Tra-

  1. Dion, l. LXVII, p. 1112. Si le Bruttius Præsens, dont il a vraisemblablement tiré cette relation, est celui auquel Pline a écrit (Epist. VII, 3), on peut le regarder comme un auteur contemporain.
  2. Suétone, Vie de Domitien, c. 17 ; Philostrate, Vie d’Apollonius, l. VIII.
  3. Dion, l. LXVIII, p. 1118 ; Pline, lett. IV, 22.