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Le relâchement s’introduit par degrés

Mais, quoique la dévotion eût excité dans les âmes une fièvre que l’éloquence cherchait toujours à entretenir, les espérances et les craintes plus naturelles du cœur humain, d’amour de la vie, l’appréhension de la douleur, l’horreur de la dissolution, reprirent insensiblement leurs droits. Les sages directeurs de l’Église se trouvaient obligés de restreindre l’ardeur indiscrète des chrétiens, et de se méfier d’une constance qui les abandonnait trop souvent au moment du danger[1]. À mesure que les fidèles renoncèrent aux mortifications, et que leur vie devint moins austère, ils se montrèrent de jour en jour plus insensibles à l’honneur du martyre. Les soldats de Jésus-Christ, au lieu de se distinguer par des actes volontaires d’héroïsme, abandonnaient fréquemment leur poste, et fuyaient avec confusion devant un ennemi auquel il eût été de leur devoir de résister. Il y avait cependant, pour échapper aux flammes de la persécution, trois moyens qui n’étaient pas tous également condamnables. Le premier, en effet, avait été déclaré innocent ; le second, dont l’espèce pa-

  1. Voy. l’épître de l’Église de Smyrne ; Eusèb., Hist. ecclésiast., l. IV, c. 15 (*).
    (*) Le chap. 15 du liv. IV de l’Hist. ecclésiast. d’Eusèbe, traite principalement du martyre de saint Polycarpe, et fait mention de quelques autres martyrs : un seul exemple de faiblesse y est rapporté ; c’est celui d’un Phrygien nommé Quintus, qui, effrayé à la vue des bêtes féroces et des tortures, renonça à sa foi. Cet exemple prouve peu pour la masse des chrétiens, et ce chapitre d’Eusèbe fournit de bien plus fortes preuves de leur courage que de leur timidité. (Note de l’Éditeur.)