Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/225

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propre constance, un pareil délai lui procurait la facilité de conserver sa vie et son honneur par la fuite, de se cacher dans quelque retraite obscure ou dans quelque province éloignée, et d’attendre patiemment le retour de la paix et de la tranquillité. Un parti si conforme à la raison fut bientôt autorisé par l’avis et par l’exemple des plus saints prélats ; et il paraît qu’il fut généralement approuvé, excepté par les montanistes, qu’un attachement rigoureux et opiniâtre à l’ancienne discipline, jeta enfin dans l’hérésie[1].

2o. Les gouverneurs des provinces, dont l’avarice l’emportait sur le zèle, avaient coutume de vendre des certificats (ou libelles, comme on les appelait alors). Ces certificats attestaient que ceux qui y étaient nommés s’étaient soumis aux lois et avaient sacrifié aux divinités romaines. En produisant ces fausses déclarations, les chrétiens opulens et timides pouvaient imposer silence aux délateurs, et concilier, en quelque sorte, leur sûreté avec leur religion. Une légère pénitence[2] expiait

  1. Tertullien regarde la fuite, dans un temps de persécution, comme une apostasie imparfaite, mais très-criminelle, comme une tentative impie pour éluder la volonté de Dieu, etc. etc. Il a écrit sur ce sujet (voy. p. 536-544, édit. Rigalt.) un Traité qui est rempli du fanatisme le plus extravagant et des déclamations les plus ridicules. Il est cependant assez singulier que Tertullien n’ait pas souffert lui-même le martyre.
  2. La pénitence n’était pas si légère, car elle était exactement pareille à celle des apostats qui avaient sacrifié