Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 3.djvu/65

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spectacles, le jugement dernier, jugement universel de l’univers. Oh ! combien j’admirerai, combien je rirai, combien je me réjouirai, combien je triompherai, lorsque je contemplerai tant de superbes monarques et de dieux imaginaires, poussant d’affreux gémissemens dans le plus profond de l’abîme ; tant de magistrats, qui persécutaient le nom du Seigneur, liquéfiés dans des fournaises mille fois plus ardentes que celles où ils ont précipité les chrétiens ; tant de sages philosophes rougissant au milieu des flammes avec les disciples qu’ils ont séduits ; tant de poètes célèbres tremblans devant le tribunal, non de Minos, mais de Jésus-Christ ; tant d’acteurs tragiques élevant la voix avec bien plus de force pour exprimer leurs propres douleurs ; tant de danseurs ! …[1] » Mais

  1. Cette traduction n’est pas exacte ; la première phrase est tronquée. Tertullien dit : Ille dies nationibus insperatus, ille derisus, cum tanta seculi vetustas et tot ejus nativitates uno igne haurientur. Le texte n’offre point ces exclamations exagérées tant de magistrats, tant de sages philosophes, tant de poètes, etc. ; mais simplement des magistrats, des philosophes, des poètes, etc. præsides, philosophos, poetas, etc. (Tertull., De spectac., c. 30.)
    La véhémence de Tertullien dans ce traité avait pour but d’éloigner les chrétiens des jeux séculaires donnés par l’empereur Sévère ; elle ne l’a pas empêché de se montrer ailleurs plein de bienveillance et de charité envers les infidèles : l’esprit de l’Évangile l’a emporté quelquefois sur la violence des passions humaines : Qui ergo putaveris nihil nos de salute Cæsarum curare, dit-il dans son apologie, inspice Dei voces, literas nostras.Scitote ex illis præceptum esse