Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/16

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tère sombre et violent ; et le souvenir de ce qu’il avait souffert, disposait son âme à la vengeance plutôt qu’à la compassion. Les violens accès de sa fureur extravagante furent souvent funestes à ceux qui approchaient sa personne ou qui dépendaient de son autorité[1]. Constantina, son épouse, que l’on dépeint non pas comme une femme, mais comme une furie toujours altérée de sang humain[2], au lieu d’employer l’influence qu’elle avait sur Gallus pour le contenir dans les bornes de la patience et de l’humanité, irritait sans cesse la férocité de ses passions. Quoiqu’elle eût renoncé aux vertus de son sexe, elle en conservait la vanité. On lui vit accepter un collier de perles comme le prix suffisant du meurtre d’un innocent, distingué par sa naissance et par ses vertus[3]. Gallus, de son côté, manifestait quelquefois

  1. Voyez Julien, ad S. P. Q. A., p. 271 ; saint Jérôme, in Chron. ; Aurelius-Victor ; Eutrope, X, 14. Je copierai les expressions littérales d’Eutrope, qui a écrit son abrégé environ quinze ans après la mort de Gallus, lorsqu’il n’existait plus aucun motif de louer ou de blâmer son caractère : Multis incivilibus gestis Gallus Cæsar… Vir naturâ ferox, et ad tyrannidem pronior, si suo jure imperare licuisset.
  2. Megæra quidem mortalis, inflammatrix sævientis assidua, humani cruoris avida, etc. Ammien-Marcellin, l. XIV, c. 1. La sincérité d’Ammien ne lui aurait pas permis de déguiser les faits ou les caractères ; mais son goût pour les ornemens ambitieux du style, lui a fait souvent hasarder des expressions d’une véhémence outrée.
  3. Il se nommait Clematius d’Alexandrie, et tout son crime fut de ne pas vouloir satisfaire les désirs de sa belle--