Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/352

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peine connues des souverains de l’Europe moderne. L’art de la persuasion, si cultivé par les premiers Césars, avait été négligé par l’ignorance guerrière et par l’orgueil asiatique de leurs successeurs ; s’ils daignaient haranguer des soldats qu’ils craignaient, ils gardaient un silence dédaigneux avec les sénateurs qu’ils méprisaient. Julien regardait les assemblées du sénat, que Constance avait évitées, comme le lieu le plus propre à faire briller ses maximes républicaines et ses talens de rhéteur. Il y employait tour à tour les tons de la censure, de la louange et de l’exhortation, comme dans une école de déclamation. Son ami Libanius a remarqué que l’étude d’Homère lui avait appris à imiter le style simple et concis de Ménélas, l’abondance de Nestor, dont les paroles descendaient comme les flocons de la neige en hiver, et l’éloquence pathétique et victorieuse d’Ulysse. Julien se livrait, non-seulement par devoir, mais par amusement, aux fonctions de juge, qui sont quelquefois incompatibles avec celles d’un souverain ; et quoique l’intégrité et le jugement de ses préfets du prétoire méritassent sa confiance, souvent assis auprès d’eux, il

    avantages et les défauts de ces formes judiciaires. Libanius (orat. parent., c. 90, 91, p. 315) n’a vu que le beau côté ; mais son tableau, en flattant la personne du prince, établit du moins les devoirs du juge. Saint Grégoire de Nazianze (orat. IV, p. 120), qui omet les vertus et exagère les faibles défauts de l’apostat, demande d’un ton de triomphe si un pareil juge est digne de siéger entre Minos et Rhadamante dans les Champs-Élisées.