Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 4.djvu/510

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héritier, dans un embarras et dans un danger où il ne s’était pas trouvé depuis l’élection de Dioclétien, c’est-à-dire, depuis quatre-vingts ans. Sous un gouvernement qui avait presque oublié les distinctions de la noblesse, on fesait peu de cas de la supériorité de la naissance ; les prétentions que donnaient les emplois étaient précaires et accidentelles ; et ceux qui sollicitaient le trône vacant, ne pouvaient compter que sur leur mérite personnel ou sur la faveur populaire. Mais la situation des troupes romaines qui manquaient de vivres, et qu’une armée de Barbares environnait de tous côtés, abrégea les momens donnés à la douleur et à la délibération. Au milieu de cette inquiétude et de cette détresse, on embauma honorablement le corps de Julien, ainsi qu’il l’avait ordonné, et à la pointe du jour, les généraux convoquèrent un conseil militaire, où furent appelés les chefs des légions et les officiers de cavalerie et d’infanterie. Les trois ou quatre dernières heures de la nuit avaient suffi pour former quelques cabales ; et lorsqu’on proposa l’élection d’un empereur, l’esprit de faction se montra dans l’assemblée. Victor et Arinthæus réunirent ceux des guerriers qu’on avait vus à la cour de Constance ; les amis de Julien s’attachèrent à Dagalaiphus et Nevitta, deux chefs Gaulois ; et on avait lieu de craindre les suites les plus funestes de la mésintelligence de deux partis si opposés par leurs caractères et leurs intérêts, par leurs maximes de gouvernement, et peut-être par leurs principes de religion. Les vertus éminentes de Salluste pouvaient seules écarter la dis-