Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/143

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consistent dans des huttes de bois d’une grandeur assez médiocre pour être facilement transportées sur de grands chariots, attelés peut-être de vingt ou trente bœufs. Les troupeaux, après avoir brouté tout le jour dans les pâturages voisins, se retirent à l’approche de la nuit dans l’enceinte du camp. La nécessité d’éviter une confusion dangereuse dans ce concours perpétuel d’hommes et d’animaux, doit introduire par degrés, dans la distribution, l’ordre et la garde des différens campemens, une sorte de régularité militaire. Dès que le fourrage d’un district est consommé, la tribu, ou plutôt l’armée de pasteurs, marche en bon ordre vers de nouveaux pâturages, et acquiert par ce moyen, dans les occupations ordinaires de sa vie, la connaissance pratique de l’une des plus importantes et des plus difficiles opérations de la guerre. La différence des saisons règle le choix des campemens. Dans l’été, les Tartares s’avancent au nord, et placent leurs tentes sur le bord d’une rivière ou dans le voisinage de quelque ruisseau ; mais dans l’hiver ils reviennent au midi, et appuient leur camp derrière une éminence, à l’abri des vents, qui se sont refroidis dans leur passage sur les régions glacées de la Sibérie. Ces mœurs sont très-propres à répandre chez les tribus errantes l’esprit de conquête et d’émigration. Leur attachement pour un territoire est si faible, que le moindre accident suffit pour les en éloigner. Ce n’est point le pays, c’est son camp qui est la patrie du Tartare ; il y trouve toujours sa famille, ses compagnons et toutes ses