Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/202

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délai en apparence pour son expédition en Orient ; mais quand il fut près des confins du pays des Allemands, il se replia habilement sur la gauche, et les surprit en passant inopinément le Rhin et en s’avançant hardiment dans leurs terres. Les Barbares lui opposèrent tous les obstacles que purent leur fournir la nature et leur courage : ils se retirèrent successivement de colline en colline jusqu’à ce que des épreuves répétées les eussent convaincus de la puissance et de la persévérance de leurs ennemis. L’empereur accepta la soumission des Barbares, non comme un gage de leur repentir, mais comme une preuve de leur détresse, et il choisit parmi leur jeunesse un nombre de vigoureux soldats qu’il emmena comme les garans les plus certains qu’il pût avoir de la conduite future de leurs infidèles compatriotes. Les Romains savaient trop bien par expérience que les Allemands ne pouvaient être ni soumis par les armes ni contenus par les traités, pour attendre de cette expédition une tranquillité durable ; mais elle fournit à leur jeune monarque l’occasion de déployer des vertus qui annonçaient la gloire et la prospérité de son règne. Lorsque les légions gravirent les montagnes et escaladèrent les fortifications des Barbares, la valeur du jeune Gratien se distingua dans les premiers rangs, et plusieurs de ses gardes eurent leur brillante armure percée et brisée à côté de leur souverain. À l’âge de dix-neuf ans, le fils de Valentinien faisait admirer ses talens politiques et militaires, et son armée regarda sa victoire sur les Allemands