Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/206

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vraie et touchante des cruautés et des injures dont la nation des Goths avait à se plaindre, et protesta au nom de Fritigern, qu’il était encore disposé à quitter les armes, et à ne s’en servir que pour la défense de l’empire, si on voulait accorder à ses compatriotes un établissement paisible dans les contrées incultes de la Thrace, et une quantité suffisante de grains et de bétail. Il ajouta secrètement et comme en confidence, que les Barbares irrités accepteraient peut-être difficilement ces conditions raisonnables, et que Fritigern ne se flattait pas de pouvoir conclure un traité si désirable, à moins que le voisinage d’une armée impériale n’ajoutât le sentiment de la crainte à l’influence de ses sollicitations. À peu près dans le même temps, le compte Richomer arriva de l’Occident et annonça la défaite et la soumission des Allemands. Il apprit à Valens que son neveu avançait à grandes journées à la tête des vétérans et des légions victorieuses de la Gaule, et le pria, au nom de Gratien et de la république, de suspendre toute entreprise hasardeuse jusqu’au moment où le succès serait assuré par la jonction des deux armées et des deux empereurs ; mais les illusions de la jalousie et de la vanité aveuglaient le faible monarque de l’Orient. Dédaignant ce conseil important et un secours qui lui paraissait humiliant, il comparait en lui-même son règne sans gloire, ou peut-être honteux, à la réputation brillante d’un prince adolescent. Agité par ces cruelles réflexions, Valens se précipita sur le champ de bataille pour y ériger ses trophées imaginaires