Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/228

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assurer hardiment que Théodose ne se vengea de la bataille d’Adrianople par aucune victoire signalée ou décisive sur les Barbares, et le silence non équivoque de ses panégyristes à cet égard est confirmé par l’examen des temps et des circonstances. La constitution d’un vaste empire, élevé par les travaux et la prospérité d’une longue suite de siècles, n’aurait pas été détruite par l’infortune d’un seul jour, si les terreurs de l’imagination n’avaient pas exagéré l’étendue de cette calamité. La perte de quarante mille Romains qui périrent dans les plaines d’Adrianople, pouvait être facilement réparée par les provinces peuplées de l’Orient, qui contenaient tant de millions d’habitans. Le courage des soldats est de toutes les qualités de l’espèce humaine la plus commune et la moins chère ; et les centurions qui avaient survécu à la défaite, auraient bientôt formé des recrues suffisamment habiles pour combattre des Barbares indisciplinés. Si les Goths s’étaient emparés des chevaux et des armes de leurs ennemis vaincus, les haras d’Espagne et de Cappadoce pouvaient remonter de nombreux escadrons ; les trente-quatre arsenaux de l’empire étaient encore abondamment pourvus d’armes offensives et défensives, et les richesses de l’Asie pouvaient fournir des fonds suffisans pour les dépenses de la guerre : mais l’effet qu’avait produit la bataille d’Adrianople sur l’esprit des Romains et sur celui des Barbares, étendit à bien plus d’un jour les conséquences que devaient avoir des deux côtés et la défaite et la victoire. On