Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/265

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se distinguaient de tous leurs contemporains[1] par l’union, rare alors, de l’éloquence profane et de la piété orthodoxe. Ces orateurs, qui ont été comparés, quelquefois par eux-mêmes, et quelquefois par le public, aux plus célèbres des anciens Grecs, étaient liés par les nœuds de la plus étroite amitié ; ils avaient suivi avec la même ardeur les mêmes études dans les écoles d’Athènes ; ils s’étaient retirés ensemble, avec une dévotion égale, dans les déserts du Pont ; et les âmes pures de saint Basile et de saint Grégoire paraissaient également incapables de tout mouvement d’envie ou de jalousie ; mais l’exaltation de saint Basile sur le siége archiépiscopal de Césarée, découvrit au public, et peut-être au prélat lui-même, l’orgueil de son caractère ; et saint Grégoire, dans la première faveur qu’il reçut de son ami, crut voir, non peut-être sans quelque raison, l’intention d’une cruelle insulte[2]. Au lieu d’em-

  1. À moins que saint Grégoire de Nazianze ne se soit trompé lui-même de trente ans sur son âge, il doit être né, ainsi que son ami saint Basile, vers l’année 329. On a adopté la chronologie absurde de Suidas, pour dissimuler le scandale qu’avait donné le père de saint Grégoire, qui, quoique saint lui-même, n’en a pas moins fait des enfans depuis son élévation au pontificat. (Tillemont, Mémoires ecclés., t. IX, p. 693-697.)
  2. On trouve dans le poëme de saint Grégoire, sur sa propre vie, quelques vers d’une grande beauté qui semblent partir du cœur, et expriment fortement la douleur de l’amitié trahie :

    … πονοι κοινοι λογων,