Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/340

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et de désolation les engageaient à ne pas ménager les restes d’un patrimoine qui pouvait à tout instant devenir la proie des Barbares ; et la prodigalité extravagante à laquelle les hommes se livrent dans la confusion d’un naufrage ou dans une ville assiégée, peut expliquer les progrès du luxe au milieu des alarmes d’un peuple qui prévoyait sa prochaine destruction.

L’infanterie quitte son armure.

Les villes adoptèrent le luxe efféminé de la cour ; il s’introduisit jusque dans le camp des légions. Un écrivain militaire qui a soigneusement étudié les premiers principes de l’ancienne discipline des Romains, marque les progrès de leur corruption. Végèce observe que depuis la fondation de Rome jusqu’au règne de Gratien, l’infanterie romaine avait toujours été couverte d’une armure. Dès qu’on eut laissé perdre aux soldats l’esprit de discipline et l’habitude des exercices, ils furent moins propres et moins disposés à supporter les fatigues du service. Les légions se plaignaient du poids insupportable d’une armure qu’elles portaient rarement, et elles obtinrent successivement la permission de quitter leurs casques et leurs cuirasses. Les armes pesantes de leurs ancêtres, la courte épée et le formidable pilum qui avait subjugué l’univers, échappèrent insensiblement de leurs mains impuissantes ; et comme l’usage de l’arc est incompatible avec celui du bouclier, ils s’exposaient avec répugnance dans la plaine à être criblés de blessures ou à les éviter par la fuite, et ils étaient toujours disposés à préférer l’alterna-