Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/359

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cès, tâchait du moins de le retarder. Fier de cette victoire, Marcellus se mit lui-même en campagne contre les puissances des ténèbres, suivi d’une bande nombreuse de soldats et de gladiateurs réunis sous la bannière épiscopale ; il attaqua successivement les temples répandus dans les villages et dans les campagnes du diocèse d’Apamée. Dans les occasions où la résistance annonçait du danger, le champion de la foi, qu’une jambe défectueuse empêchait également de fuir et de combattre, se plaçait hors de la portée des traits ; mais cette précaution fut la cause de sa perte ; des paysans en fureur le surprirent et le massacrèrent, et le synode de la province prononça sans hésiter que le pieux Marcellus avait sacrifié sa vie au service de la foi. Les moines se précipitaient impétueusement et en tumulte hors du désert pour signaler leur zèle en faveur d’une semblable cause, lis méritèrent la haine des païens et tous ne furent point exempts du reproche d’avarice et d’intempérance. Ces pieux destructeurs satisfaisaient l’une en pillant les ennemis de leur religion, et l’autre aux dépens des insensés qui admiraient leurs vêtemens en lambeaux, leurs chants lugubres et leur pâleur artificielle[1]. Le goût, la prudence, la crainte ou la vénalité de quelques gouverneurs de

  1. Libanius, pro Templis, p. 10-13. Il se déchaîne contre ces hommes vêtus de robes noires, les moines chrétiens, qui mangent plus que des éléphans… Pauvres éléphans ! ce sont des animaux tempérans.