Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/366

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servir de la pierre d’aimant, leurs méthodes secrètes d’introduire une créature humaine dans une statue creusée en dedans, et l’abus criminel qu’ils faisaient de la confiance des époux pieux et des femmes crédules[1]. Ces accusations sont trop conformes à l’esprit astucieux et intéressé de la superstition, pour ne pas mériter quelque degré de croyance ; mais il faut se méfier de ce même esprit, quand il s’efforce d’insulter et de calomnier son ennemi vaincu ; et on doit réfléchir qu’il est bien plus facile d’inventer une histoire scandaleuse que de pratiquer long-temps une fraude avec succès. La statue colossale de Sérapis[2] fut enveloppée dans la ruine de son temple et de sa religion. Un grand nombre de plaques, de différens métaux joints ensemble, composaient la figure majestueuse de la divinité, qui touchait des deux côtés aux murs du sanctuaire. Sérapis, assis et un sceptre à la main, ressemblait beaucoup aux représentations ordinaires

  1. Rufin le nomme le prêtre de Saturne, qui, en jouant le rôle du dieu, conversait familièrement avec un grand nombre de dévotes de la première qualité, mais qui se trahit dans un moment de transport, où il oublia de contrefaire sa voix. Le récit authentique et impartial d’Æschine (voyez Bayle, Diction. crit., Scamandre) et l’aventure de Mundus (Josèphe, Antiq. jud., l. XVIII, c. 3, p. 877, éd. Havercamp,) prouvent que ces fraudes amoureuses se pratiquaient souvent avec succès.
  2. Voyez les images de Sérapis dans Montfaucon, t. II, p. 297. Mais la description de Macrobe (Saturn., l. I, c. 20) est plus pittoresque et plus satisfaisante.