Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/373

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de leur obéissance les païens évitèrent les rigueurs du code de Théodose[1]. Au lieu de prétendre que l’autorité des dieux dût l’emporter sur celle de l’empereur, ils firent à peine entendre quelques murmures en renonçant aux cérémonies que le souverain condamnait. Si quelquefois un moment d’impatience ou l’espérance de n’être point découverts les entraînaient à satisfaire leur superstition favorite, l’humilité du repentir désarmait la sévérité des magistrats chrétiens ; et les païens refusaient rarement d’expier leur imprudence par une soumission apparente aux préceptes de l’Évangile. Les églises se remplissaient d’une multitude de faux prosélytes, qui s’étaient conformés par des motifs d’intérêt personnel à la religion dominante, et qui, tandis qu’on les voyait imiter les fidèles dans leur maintien et en apparence dans leurs prières, obéissaient secrètement à leur conscience, en invoquant dans le fond de leur cœur les dieux de leurs ancêtres[2]. Si la patience manquait aux païens pour souffrir, le courage leur manquait pour résister ; et les milliers d’idolâtres qui, répandus de tous côtés, déploraient la ruine de leurs

  1. Orose, l. VII, c. 28, p. 537. Saint Augustin (Enarrat. in psalm. 140, apud Lardner, Témoignages des Païens, vol. IV, p. 458) insulte à leur lâcheté : Quis eorum comprehensus est in sacrificio, cùm his legibus ista prohiberentur, et non negavit ?
  2. Libanius (pro Templis, p. 17, 18) rapporte, sans la blâmer, cette hypocrite soumission comme une scène de comédie.