Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/382

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trésors de l’Église. Sans beaucoup d’égard pour la vérité ou même pour la probabilité, on donna des noms à des squelettes, et on inventa des actions pour les noms. Des fictions religieuses obscurcirent la gloire des apôtres et des saints imitateurs de leurs vertus ; on ajouta à l’invincible armée des martyrs véritables et primitifs, une multitude de héros imaginaires qui n’avaient jamais existé que dans l’imagination de quelques légendaires artificieux ou crédules. Il y a même lieu de soupçonner que le diocèse de Tours n’est pas le seul où l’on ait adoré sous le nom d’un saint les os d’un malfaiteur[1]. Une pratique superstitieuse, qui tendait à multiplier les occasions de fraude et les objets de crédulité, éteignit insensiblement dans le monde chrétien la lumière de l’histoire et celle de la raison.

II. Les progrès de la superstition auraient été beaucoup moins rapides et moins étendus si, pour aider la foi du peuple, on ne se fût pas servi à propos du secours des miracles et des visions propres à constater l’authenticité et la vertu des reliques les plus suspectes. Sous le règne de Théodose le jeune,

    a attribué un sens profane à la pieuse observation du clergé de Smyrne, qui conservait précieusement les reliques du martyr saint Polycarpe.

  1. Saint Martin de Tours (voyez sa Vie, par Sulpice-Sévère, c. 8) arracha cet aveu de la bouche d’un mort. On convient que l’erreur fut occasionnée par des causes naturelles, et la découverte est attribuée à un miracle. Laquelle des deux doit avoir lieu le plus fréquemment ?