Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/398

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que peu de ministres peuvent compter sur le triomphe de leur innocence, quand ils ont pour juge un ennemi personnel ; mais plutôt que de se voir obligé à borner sa vengeance à celle de ses deux victimes qui lui était la moins odieuse, Rufin abaissa l’insolence de son despotisme jusqu’aux artifices les plus vils. On conserva dans la poursuite du procès une apparence de modération et d’équité, qui donna à Tatien les espérances les plus favorables sur l’événement. Le président augmenta sa confiance par des protestations solennelles et des sermens perfides. Il alla même jusqu’à abuser du nom de l’empereur ; et le père infortuné se laissa enfin persuader de rappeler son fils par une lettre particulière. À son arrivée, Proculus fut arrêté, examiné, condamné et décapité dans un des faubourgs de Constantinople, avec une précipitation qui trompa la clémence de l’empereur. Sans aucun respect pour la douleur d’un sénateur consulaire, les barbares juges de Tatien l’obligèrent d’assister au supplice de son fils : il avait lui-même au cou le cordon fatal ; mais au moment où il attendait, où il souhaitait peut-être une prompte mort qui eût terminé tous ses malheurs, on lui permit de traîner les restes de sa vieillesse dans l’exil et dans la pauvreté[1]. La punition des deux

  1. … Juvenum rorantia colla
    Ante Patrum vultus strictâ cecidêre securi.
    Ibat grandævus nato moriente superstes
    Post trabeas exsul.

        In Rufin. I, 248.

    Les Faits de Zosime expliquent les allusions de Claudien ;