Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/44

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imposé silence aux délateurs s’ils avaient entrepris d’effrayer son courage par le bruit d’un danger. Ils vantaient son inflexible amour pour la justice ; mais dans sa passion pour la justice, Valentinien était souvent tenté de regarder la clémence comme une faiblesse, et la colère comme une vertu. Dans le temps où il luttait avec ses égaux dans la périlleuse carrière d’une vie active et ambitieuse, il avait rarement souffert une injustice sans la punir, jamais une insulte. On blâmait son imprudence, mais on applaudissait à son courage, et les généraux les plus fiers et les plus absolus craignaient d’allumer le ressentiment d’un soldat inaccessible à la crainte. Il oublia malheureusement sur le trône du monde que le courage n’a pas d’emploi là où l’on n’a point de résistance à craindre. Au lieu d’écouter la voix de la raison et de la générosité, il se livrait à des violences désormais déshonorantes pour lui, et fatales aux impuissans objets de ses ressentimens. Dans l’administration de sa maison et dans celle de son empire, une faute légère, une offense imaginaire, une réponse vive, une omission accidentelle ou un délai involontaire, étaient immédiatement punis par une sentence de mort ; et les expressions les plus promptes à sortir de la bouche de l’empereur d’Occident étaient celles-ci : « Qu’on lui tranche la tête, qu’on le brûle vif, qu’il expire sous le bâton »[1]. Ses plus intimes

  1. Il prononçait quelquefois une sentence de mort du ton de la plaisanterie : Abi, Comes, et muta ei caput, qui