Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/472

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contribuèrent insensiblement à former une des plus importantes villes de l’Italie. Le principal canal d’Auguste conduisait à travers la ville une partie des eaux du jusqu’à l’entrée du port ; ces mêmes eaux se répandaient dans des fossés profonds qui environnaient les murs : elles se distribuaient, par le moyen d’un grand nombre de petits canaux, dans tous les quartiers de la ville, qu’ils divisaient en autant d’îles séparées, et qui n’avaient de communication que par des ponts ou des bateaux. Les maisons de Ravenne étaient bâties sur pilotis, et l’aspect de cette ville pouvait être comparé à celui qu’offre aujourd’hui Venise. Le pays des environs, jusqu’à plusieurs milles, était rempli de marais inabordables, et l’on pouvait aisément défendre ou détruire, à l’approche d’une armée ennemie, la chaussée qui joignait Ravenne au continent. L’intervalle des marais était cependant parsemé de vignes ; et, le sol épuisé même par quatre ou cinq récoltes, le vin était encore dans le port de Ravenne en beaucoup plus grande abondance que l’eau douce[1]. L’air, au lieu d’être imprégné des vapeurs malignes et presque pestilen-

  1. Martial (epig. III, 56, 57) plaisante sur le tour que lui joua un fripon, en lui vendant du vin pour de l’eau ; mais il assure très-sérieusement qu’une bonne citerne est plus précieuse à Ravenne qu’une bonne vigne. Sidonius se plaint de ce que la ville manque de fontaines et d’aqueducs, et compte au nombre de ses incommodités locales le défaut d’eau douce, le coassement des grenouilles et les piqûres des insectes, etc.