Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/483

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secours de cette ville fidèle, et qui fit bientôt de ses environs le tombeau de l’armée barbare. On peut, sans faire beaucoup de violence à leurs opinions respectives, concilier aisément les contradictions apparentes des écrivains qui ont raconté différemment la défaite de Radagaise. Orose et saint Augustin, intimement liés par l’amitié et par la dévotion, attribuent cette victoire miraculeuse à la protection du ciel, plutôt qu’à la valeur des hommes[1]. Ils affirment positivement qu’il n’y eut ni combat, ni sang répandu ; que les Romains, oisifs dans leur camp, où ils jouissaient de l’abondance, virent les Barbares affamés expirer lentement sur les rochers de Fæsule qui dominent la ville de Florence : que l’armée chrétienne n’ait pas perdu un seul soldat, qu’elle n’en ait pas même eu un seul de blessé de la main des Barbares, c’est une assertion dont le ridicule ne permet pas qu’on s’arrête à la repousser ; mais le reste du récit d’Orose et de saint Augustin s’accorde avec les circonstances et avec le caractère de Stilichon. Il sentait trop bien qu’il commandait la dernière armée de la république, pour l’exposer imprudemment en bataille rangée à l’impétueuse furie des Germains ; se servant avec habileté, sur

  1. Saint Augustin (De civ. Dei, V, 23) ; Orose (l. VII, c. 37, p. 567-571). Les deux amis écrivaient en Afrique dix ou douze ans après la victoire, et leur autorité est implicitement suivie par Isidore de Séville (in Chron., p. 713, éd. Grot.). Combien de faits intéressans Orose aurait pu insérer dans l’espace qu’il remplit de pieuses absurdités !