Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 5.djvu/515

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préfet offensé un humble et suppliant désaveu en forme d’épître. Claudien déplore tristement l’imprudence où l’entraîna une colère insensée ; et, après avoir présenté à son adversaire les généreux exemples de la clémence des dieux, des héros et des lions, il ose espérer que le magnanime Adrien dédaignera d’écraser un infortuné obscur, suffisamment puni par la disgrâce et la pauvreté, et profondément affligé de l’exil, des tortures et de la mort de ses amis les plus intimes[1]. Quels qu’aient été le succès de cette prière et la destinée du reste de sa vie, il est constant que, sous peu d’années, la mort réduisit le ministre et le poète à l’état d’égalité ; mais le nom d’Adrien est presque inconnu, et on lit encore Claudien avec plaisir dans tous les pays qui ont conservé ou acquis la connaissance de l’idiome latin. Après avoir balancé avec impartialité son mérite et ses défauts, nous devons avouer que Claudien ne satisfait ni ne subjugue la raison. Il serait difficile de trouver dans ses œuvres un de ces passages qui méritent l’épithète de sublime ou de pathétique. On n’y rencontre point de ces vers qui pénètrent l’âme ou agrandissent l’imagination. Nous chercherions en vain dans ses poëmes l’invention heureuse, ou la conduite ingénieuse d’une fable intéressante, ou la peinture juste et frappante des caractères et des situations de la vie réelle.

  1. Voyez la première épître de Claudien. Elle trahit cependant la répugnance qu’il voudrait cacher. L’ironie et l’indignation semblent percer dans quelques passages.