Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/146

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l’ancienne liberté, avait été laissé aux provinces latines. Les souverains de Constantinople ne mesuraient leur grandeur que par l’obéissance servile de leurs sujets. Ils ignoraient combien cette soumission passive énerve et dégrade toutes les facultés de l’âme. Des hommes qui avaient abandonné la direction de leur volonté aux ordres absolus d’un maître étaient également incapables de défendre leur vie et leur fortune contre les Barbares, et de préserver leur raison des terreurs de la superstition.

Administration et caractère d’Eutrope. A. D. 395-399.

Les premiers événemens du règne d’Arcadius et d’Honorius sont liés si intimement, que la révolte des Goths et la chute de Rufin ont déjà occupé une place dans l’histoire de l’empire d’Occident. On a déjà observé qu’Eutrope[1], un des principaux eunuques du palais de Constantinople, succéda à l’orgueilleux ministre dont il avait précipité la chute, et dont il imita bientôt les vices. Tous les ordres de l’état se prosternaient devant le nouveau favori, et leur bassesse l’encourageait non-seulement à mépriser les lois, mais encore les usages de la nation, ce qui est infiniment plus difficile et plus dangereux. Sous le plus faible des prédécesseurs d’Arcadius, le règne

  1. Barthius, qui révère son auteur avec l’aveugle superstition d’un commentateur, donne la préférence aux deux livres que Claudien composa contre Eutrope, sur toutes ses autres productions. (Baillet, Jugemens des Savans, t. IV, p. 227.) On peut les considérer en effet comme une satire très-vive et très-éloquente : elle serait plus utile à l’histoire si les reproches étaient moins vagues et plus modérés.