Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Tribigild, et avouait qu’il manquait de moyens et de talens pour soutenir une guerre aussi difficile. Il arracha enfin une permission de négocier avec son invincible adversaire. Tribigild dicta impérieusement les conditions de la paix, et la tête d’Eutrope, exigée pour préliminaires, révéla l’auteur et le dessein de la conspiration.

Chute d’Eutrope. A. D. 399.

L’écrivain qui, dans ses satires, a satisfait son ressentiment par la censure outrée des empereurs chrétiens, offense moins la vérité que la dignité de l’histoire lorsqu’il compare le fils de Théodose à un de ces animaux doux et timides qui sentent à peine qu’ils appartiennent au berger qui les conduit. Deux sentimens cependant, la crainte et l’amour conjugal, éveillèrent un moment l’âme indolente d’Arcadius. Les menaces du rebelle victorieux l’effrayèrent, et il se laissa toucher par les tendres discours de l’impératrice Eudoxie, qui, baignée de feintes larmes et portant son enfant dans ses bras, vint lui demander justice de je ne sais quelle insulte réelle ou imaginaire dont elle accusait l’audacieux eunuque[1]. L’empereur laissa conduire sa main à signer l’arrêt d’Eutrope, et ainsi fut rompu le talisman qui retenait depuis quatre ans le prince et ses sujets sous la puissance d’un esclave. Les acclamations qui, si peu de temps auparavant, célébraient le mérite et la fortune du favori, firent place aux clameurs du peuple et

  1. Cette anecdote, que le seul Philostorgius a conservée (l. XI, c. 6 ; et Godefroy, Dissert., p. 451-456), est curieuse et intéressante, en ce qu’elle lie la révolte des Goths avec les intrigues du palais.