Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/165

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jugés ou par ceux de ses sujets, n’entreprit point de violer le sanctuaire de l’église, et Eutrope se laissa persuader d’en sortir après qu’on lui eut promis par serment de lui laisser la vie[1]. Sans égard pour la dignité de leur souverain, les nouveaux ministres du palais déclarèrent, par un édit, que l’ancien favori avait déshonoré les noms de consul et de patrice ; ils abolirent ses statues, confisquèrent toutes ses richesses, et le condamnèrent à un exil perpétuel dans l’île de Chypre[2]. Un eunuque méprisable et décrépit ne pouvait plus inspirer la crainte à ses ennemis ; et il n’était plus même susceptible de goûter les biens qui lui restaient encore, la tranquillité, la solitude et la beauté du climat. Leur haine implacable lui envia pourtant les derniers restes de sa misérable vie ; à peine Eutrope était-il arrivé dans l’île de Chypre, qu’ils le rappelèrent précipitamment. Dans la vaine idée d’éluder, par le changement de lieu,

  1. S. Chrysostôme, dans une autre homélie (t. III, p. 386), assure qu’Eutrope n’aurait pas été pris, s’il ne fût pas sorti de l’église. Zosime (l. V, p. 313) prétend au contraire que ses ennemis l’arrachèrent du sanctuaire, εξαρπασαντες αυτον. Cependant la promesse est la preuve d’une convention ; et le témoignage de Claudien dans la préface de son second livre, p. 46 :

    Sed tamen exemplo non feriere tuo,

    est sûrement la preuve de quelque promesse.
  2. Cod. Théod., l. IX, tit. 40, leg. 14. Il y a erreur dans la date de cette loi (17 de janvier, A. D. 399), puisque la disgrâce d’Eutrope n’a pu arriver que dans l’automne de cette année. Voy. Tillemont, Hist. des emper., t. V, p. 780.