Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/175

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enviait ses succès, et les pécheurs endurcis, qu’offensaient ses reproches. Lorsque saint Chrysostôme tonnait dans la chaire de Sainte-Sophie contre la corruption des chrétiens, ses traits se perdaient dans la foule sans blesser, sans désigner même aucun individu ; lorsqu’il déclamait contre les vices de l’opulence, la pauvreté éprouvait peut-être une consolation passagère ; mais le grand nombre des coupables servait à les déguiser, et le reproche était même adouci par quelques idées de grandeur et de supériorité ; mais plus ses regards s’élevaient vers le faîte, et moins ils embrassaient d’objets. Les magistrats, les ministres, les eunuques favoris, les dames de la cour[1] et l’impératrice Eudoxie elle-même, sentaient trop bien des reproches d’autant plus graves qu’ils ne pouvaient plus se partager qu’entre un petit nombre de coupables. Le témoignage de leur conscience prévenait ou confirmait l’application que leur en faisait l’auditoire ; et l’intrépide prédicateur usait du dangereux privilége de dévouer l’offense et le coupable à l’exécration publique. Le ressen-

  1. Les femmes de Constantinople se distinguaient par leur haine ou par leur attachement pour saint Chrysostôme. Trois veuves nobles et opulentes, Marse, Castricie et Eugraphie, étaient à la tête de la persécution. Pallad., Dialog., tom. XIII, p. 14. Elles ne pouvaient pardonner à un prédicateur qui leur reprochait de chercher à masquer leur âge et leur laideur par la parure et la multiplicité des ornemens. Pallad., p. 27. Le même zèle, déployé pour une cause plus pieuse, valut à Olympias le titre de sainte. Voyez Tillemont, Mém. ecclés., t. XI, p. 416-440.