Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/221

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lement aux îles de Majorque et de Minorque, où les Espagnols fugitifs s’étaient inutilement réfugiés avec leurs familles et leurs trésors. Le danger de la navigation, et peut-être la vue rapprochée de l’Afrique, fit accepter aux Vandales les propositions de Boniface, et la mort de Gonderic ne fit que rendre cette audacieuse entreprise et plus prompte et plus vive. Au lieu d’un prince, dont la force et les talens n’avaient rien de remarquable, ils eurent pour chef son frère illégitime, [Genseric, roi des Vandales.] le terrible Genseric[1], dont le nom mérite d’être placé auprès de ceux d’Alaric et d’Attila dans l’histoire de la destruction de l’empire romain. On représente le roi des Vandales comme étant d’une taille médiocre, et boiteux d’une jambe par les suites d’une chute de cheval. Sa manière de s’exprimer, lente et circonspecte, laissait rarement pénétrer la profondeur de ses desseins. Genseric dédaignait d’imiter le luxe des nations qu’il avait vaincues ; mais il s’abandonnait à des passions plus cruelles, la colère et la vengeance. Son ambition ne connaissait ni bornes ni scrupules ; guerrier courageux, il n’en savait pas moins faire jouer les plus

  1. Gizericus (on a écrit son nom de différentes manières) , staturâ mediocris, ut equi casû claudicans, animo profundus, sermone rarus, luxuriæ contemptor, irâ turbidus, habendi cupidus, ad sollicitandas gentes providentissimus, semina contentionum jacere, odia miscere paratus. Jornandès, De reb. geticis, c. 33, p. 657. Ce portrait, fait avec assez de talent et beaucoup de vérité, doit avoir été copié de l’histoire des Goths par Cassiodore.