Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/31

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ment ; mais nos nobles modernes calculent leur rang et leur considération par l’élévation de leurs chars[1], et par la pesante magnificence de leurs vêtemens. Leurs longues robes de pourpre et de soie flottent au gré du vent, et en s’agitant laissent apercevoir, ou par leur arrangement, ou par hasard, de riches tuniques ornées d’une broderie qui représente la figure de différens animaux[2]. Suivis d’un train de cinquante serviteurs, leurs chars ébranlent les pavés en parcourant les rues avec autant de rapidité que s’ils couraient la poste. Les matrones et les dames romaines imitent hardiment l’exemple des sénateurs,

  1. Les carrucæ, ou voitures des Romains, étaient souvent d’argent massif, ciselé ou gravé. Les harnois des mules ou des chevaux étaient embossés d’or. Cette magnificence continua depuis le règne de Néron jusqu’à celui d’Honorius ; et la voie Appienne fut couverte de magnifiques équipages qui allèrent à la rencontre de sainte Mélanie quand elle revint à Rome, six ans avant le siége des Goths. (Sénèque, epist. 87 ; Pline, Hist. natur., XXXVIII, 49 ; Paulin. Nolan. apud Baron., Annal. ecclés., A. D. 397, no 5). Cependant le faste est bien remplacé par la commodité, et un carrosse uni, suspendu sur de bons ressorts, vaut infiniment mieux que les charrettes d’argent ou d’or de l’antiquité, portant à plomb sur l’essieu, et ordinairement sans aucun préservatif contre les injures de l’air.
  2. M. de Valois a découvert dans une homélie d’Asterius, évêque d’Amasée (ad Ammien, XIV, 6), que c’était une mode nouvelle de représenter en broderie des ours, des loups, des lions et des tigres, des bois et des parties de chasse ; et que les élégans, plus dévots, y substituaient la figure ou la légende de leur saint favori.