Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/318

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on appela son crime et sa honte, et le public en fut instruit par l’imprudence de l’impératrice Placidie, qui fit partir sa fille pour Constantinople, après l’avoir tenue long-temps dans une captivité ignominieuse. La malheureuse Honoria passa douze ou quatorze ans dans la triste société des sœurs de Théodose et de leurs chastes compagnes. La fille de Placidie ne pouvait plus prétendre à leur mérite, et se conformait avec répugnance aux pratiques pieuses des prières, des jeûnes et des vigiles. L’impatience d’un célibat dont elle n’espérait plus de sortir, lui fit entreprendre une démarche extraordinaire et désespérée. Le nom redouté d’Attila se trouvait souvent dans les entretiens des habitans de Constantinople, et ses fréquentes ambassades entretenaient une correspondance presque continuelle entre son camp et le palais impérial. Sacrifiant tous les préjugés et tous les devoirs aux désirs de l’amour, ou plutôt de la vengeance, la princesse offrit de se remettre elle-même dans les bras d’un prince barbare, dont elle ignorait le langage, dont les traits présentaient à peine l’idée d’une figure humaine, et dont elle abhorrait les mœurs et la religion. Par le moyen d’un eunuque de confiance, elle fit remettre à Attila une bague pour garant de sa foi, et le conjura de la réclamer comme sa légitime épouse, avec laquelle il aurait été secrètement uni. Le monarque reçut avec froideur ces avances indécentes, et continua de multiplier le nombre de ses épouses jusqu’au moment où deux passions puissantes, l’avarice et l’ambition,