Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/336

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ses intérêts, le danger très-réel de son absence, et lui conseilla de déconcerter, par un prompt retour à Toulouse, les desseins ambitieux de ses frères, qui pouvaient usurper son trône et s’emparer de ses trésors[1]. Après le départ des Goths et la séparation des alliés, Attila fut surpris du vaste silence qui régnait dans les plaines de Châlons. La crainte de quelque stratagème le contint plusieurs jours dans l’enceinte de ses chariots, et sa retraite au-delà du Rhin attesta la dernière des victoires remportées au nom de l’empereur d’Occident. Mérovée et ses Francs suivirent l’armée des Huns jusqu’aux confins de la Thuringe, en ayant soin toutefois de se tenir toujours à une certaine distance, et de faire paraître leur nombre plus grand qu’il n’était réellement, par la quantité de feux qu’ils allumaient chaque nuit. Les Thuringiens servaient dans l’armée d’Attila ; ils traversèrent le territoire des Francs dans leur marche et dans leur retour ; et ce fut peut-être alors qu’ils exercèrent les horribles cruautés dont le fils de Clovis tira vengeance quatre-vingts ans après. Les Thuringiens massacrèrent leurs prisonniers et même les

  1. Jornandès, De reb. gotic., c. 41, p. 671. La politique d’Ætius et la conduite de Torismond paraissent fort naturelles ; et le patrice, selon saint Grégoire de Tours (l. II, c. 7, p. 163), renvoya le roi des Francs en lui inspirant la même crainte. Le faux Idatius prétend ridiculement qu’Ætius fit en secret dans la nuit une visite au roi des Huns, et une autre à celui des Visigoths, et qu’ils lui donnèrent chacun une bourse de dix mille pièces d’or pour ne pas les inquiéter dans leur retraite.