Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/339

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d’un siége inutile, le manque de subsistances et les clameurs de l’armée contraignirent Attila de renoncer à son entreprise, et il donna à regret, pour le lendemain, l’ordre de plier les tentes et de commencer la retraite. Triste, pensif et indigné, il faisait le tour des murs d’Aquilée, lorsqu’il aperçut une cigogne qui, suivie de ses petits, s’envolait d’une tour et semblait abandonner son nid. Saisissant sur-le-champ en habile politique ce que ce frivole incident pouvait offrir à la superstition, il s’écria à haute voix et d’un ton plein de joie, que cet oiseau domestique, si attaché à la société de l’homme, n’eût pas quitté son ancien asile, si ces tours n’eussent été dévouées à la destruction et à la solitude[1]. Cet heureux présage inspira l’assurance de la victoire ; on reprit le siège, et il fut poussé avec une nouvelle vigueur. Les Huns assaillirent la partie du mur d’où était sortie la cigogne, ouvrirent une large brèche, s’y précipitèrent avec une impétuosité irrésistible, et la génération suivante distinguait à peine les ruines d’Aquilée[2]. Après cette effrayante

  1. Jornandès et Procope (De bell. Vandal., l. I, c. 4, p. 187, 188) racontent la même histoire ; il n’est pas aisé de décider lequel des deux est l’original : mais l’historien grec a commis une erreur inexcusable en plaçant le siège d’Aquilée après la mort d’Ætius.
  2. Jornandès, environ un siècle après le siège, affirme qu’Aquilée était si complétement détruite, ita ut vix ejus vestigia, ut appareant, relinquerint. (Voyez Jornandès, De reb. getic., c. 42, p. 673 ; Paul Diacre, l. II, c. 14, p. 785 ; Luitprand, Hist., l. III, c. 2.) On donnait quelque