Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/344

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rent peu à peu, dans leurs nouvelles habitations, une forme régulière ; et l’on peut considérer une des épîtres de Cassiodore, dans laquelle il décrit leur situation[1], comme le premier monument de la république. Le ministre de Théodoric les compare, dans son style de déclamation recherchée, à des poules d’eau qui ont fait leur nid au milieu des vagues ; et bien qu’il convienne que les provinces vénitiennes renfermaient autrefois un grand nombre de familles nobles, il fait entendre qu’elles étaient toutes alors réduites à l’égalité par la misère. Le poisson était presque l’unique nourriture des habitans de toutes les classes ; leur unique richesse consistait en sel que la mer leur fournissait en abondance, et qui, dans tous les marchés des environs, avait cours au lieu de l’or ou de l’argent qu’il remplaçait dans les achats. Un peuple qui par la nature de ses habitations semblait appartenir également à la terre et à la mer, fut bientôt aussi accoutumé à ce second élément qu’il pouvait l’être au premier ; et les désirs de

  1. Cassiodore, Variar. l. XII, épît. 24 ; Maffei, Verona illustrata, part. I, p. 240-254, a traduit et expliqué cette lettre curieuse avec le génie d’un savant antiquaire et d’un sujet fidèle, qui regardait les Vénitiens comme les seuls descendans légitimes de la république romaine. Il fixe la date de l’épître, et par conséquent de la préfecture de Cassiodore, A. D. 523 ; et l’autorité du marquis a d’autant plus de poids, qu’il avait préparé une édition des ouvrages de Cassiodore, et a publié une Dissertation sur la véritable orthographe de son nom. Voyez Osservazioni litterarie, tom. II, p. 290-339.