Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/432

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et criminelle au nom d’une grande province, et selon les formes ordinaires de la jurisprudence romaine, avec la demande de restitutions équivalentes aux pertes des particuliers, et d’une punition qui pût satisfaire la justice de l’état. Il y avait contre lui de fortes et nombreuses accusations, tant de corruption que de tyrannie ; mais les adversaires d’Arvandus fondaient leur principale espérance sur une lettre qu’ils avaient interceptée, et qu’appuyés du témoignage de son secrétaire, ils l’accusaient d’avoir dictée lui-même. Dans cette lettre, on détournait le roi des Goths de faire la paix avec l’empereur grec : on l’engageait à attaquer les Bretons sur les bords de la Loire, et on lui recommandait de partager la Gaule, selon les lois des nations, entre les Visigoths et les Bourguignons[1]. Ces projets dangereux, qu’un ami n’a pu pallier qu’en avouant la vanité et l’indiscrétion de celui qui les avait conçus, étaient susceptibles d’une interprétation très-criminelle ; et les députés se décidèrent habilement à ne produire cette pièce terrible qu’au moment décisif ; mais le zèle de Sidonius découvrit leur intention. Il avertit sur-le-champ le criminel de son danger, et déplora sincèrement et sans amertume la présomption hautaine d’Arvandus, qui rejeta l’avis salutaire de ses amis, et alla même jusqu’à s’en irriter. Arvandus, ignorant sa vé-

  1. Hæc ad regem Gothorum, charta videbatur emitti, pacem cum Græco imperatore dissuadens, Britannos super Ligerim sitos impugnari opportere demonstrans, cum Burgundionibus jure gentium Gallias dividi debere confirmans.