Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/436

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treprendre de calmer sa colère ou d’apprivoiser son orgueil, que notre soumission ne fait qu’augmenter ? » Ils lui indiquèrent Épiphane, évêque de Pavie[1], qui joignait, disaient-ils, la prudence du serpent à l’innocence de la colombe, et parurent espérer que son éloquence serait capable de triompher de tous les obstacles que pourraient lui opposer l’intérêt ou le ressentiment. Ricimer le crut, et saint Épiphane, chargé du rôle bienfaisant de médiateur, partit sur-le-champ pour Rome, où il fut reçu avec les honneurs dus à son mérite et à sa réputation. On imaginera facilement le discours d’un évêque en faveur de la paix ; il prouva que dans toutes sortes de circonstances le pardon des injures était nécessairement un acte de bonté, de grandeur d’âme ou de prudence, et il représenta sérieusement à l’empereur, qu’une guerre contre un Barbare emporté ne pourrait être que ruineuse pour ses états, et peut-être funeste pour lui-même. Anthemius reconnaissait la vérité de ces maximes ; mais la conduite de Ricimer excitait vivement son indignation, et la colère lui inspira de l’éloquence. « Quelles faveurs, s’écria-t-il,

    les vices des peuples sauvages à ceux des nations civilisées et corrompues.

  1. Saint Épiphane occupa trente ans le siège épiscopal de Pavie (A. D. 467-497). Voyez Tillemont, Mém. ecclés., t. XVI, p. 788. Son nom et ses actions seraient demeurés inconnus à la postérité, si Ennodius, un de ses successeurs, n’avait pas écrit sa vie (Sirmond, opera, t. I, 1647-1692), dans laquelle il le représente comme un des plus grands hommes de son siècle.