Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/47

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sortir de ces superbes palais une foule de plébéiens sales et déguenillés, sans manteau et sans souliers, qui vaguaient toute la journée dans les rues ou dans le Forum pour apprendre des nouvelles ou pour s’y quereller, qui perdaient dans un jeu extravagant ce qui aurait dû faire subsister leur famille, et passaient la nuit dans des tavernes ou dans des lieux infâmes, livrés aux excès de la plus grossière débauche[1].

Jeux et spectacles.

Mais les amusemens les plus vifs et les plus brillans de cette multitude oisive étaient les jeux du Cirque et les spectacles. La piété des princes chrétiens avait supprimé les combats des gladiateurs ; mais les habitans de Rome regardaient encore le Cirque comme leur demeure, comme leur temple, et comme le siége de la république. La foule impatiente courait avant le jour pour en occuper les places ; et quelques-uns même passaient la nuit avec inquiétude sous les portiques des environs. Depuis le lever de l’aurore jusqu’à la nuit, les spectateurs, quelquefois au nombre de trois ou quatre mille, indifférens à la pluie ou à l’ardeur du soleil, restaient les yeux fixés avec une avide attention sur les chars et sur leurs conducteurs, et l’âme alternativement agitée de crainte et d’espérance pour le succès de la couleur à laquelle ils s’étaient attachés. À les

  1. Ammien (l. XIV, c. 6 ; et l. XXVIII, c. 4), après avoir décrit le luxe et l’orgueil des nobles romains, déclame avec la même indignation contre les vices et l’extravagance du peuple.