Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/476

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pris en se réfugiant dans une profession tranquille et respectée, dont les peines apparentes étaient adoucies par l’habitude, par les applaudissemens publics et par le relâchement secret de la discipline[1]. Les sujets de Rome qui voyaient leur personne et leurs biens exposés à répondre du payement d’une taxe exorbitante et inégalement répartie, échappaient dans les cloîtres à la tyrannie du gouvernement, et une partie des jeunes hommes préférait les rigueurs de la vie monastique aux dangers du service militaire. Les différentes classes des timides habitans des provinces qui fuyaient à la vue des Barbares, y trouvaient une retraite et une subsistance ; des légions entières s’enterraient dans ces religieux asiles, et la même cause qui adoucissait le sort des particuliers, détruisait peu à peu les forces et les ressources de l’empire[2].

  1. Un moine dominicain, qui logeait à Cadix dans un couvent de religieux de son ordre, s’aperçut bientôt que leur repos n’était point interrompu par les prières nocturnes, quoiqu’on ne laisse pas de sonner pour l’édification du peuple. (Voyages du père Labat, t. I, p. 10.)
  2. Voy. une Préface très-sensée de Lucas Holstenius au Codex Regularum. Les empereurs tâchèrent de soutenir l’obligation des devoirs publics et particuliers (*) ; mais ces faibles digues furent bientôt renversées par le torrent du fanatisme ; et Justinien favorisa les moines au-delà de leurs espérances. Thomassin, t. I, p. 1782-1799 ; et Bingham, l. VII, c. 3, p. 253.
    (*) L’empereur Valens en particulier rendit une loi : Contra ignaviæ quosdam sectatores qui desertis civitatum muneribus captant solitudines ac secreta et specie religionis cum cœtibus monachorum congregantur (Cod. Théod., l. XII, tit. I, leg. 63.) (Note de l’Éditeur.)