Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/491

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le cloître, était troublé par des repentirs tardifs, des doutes sacrilèges et des désirs criminels ; considérant chaque impulsion de la nature comme un péché irrémissible, elles se croyaient toujours près de tomber dans les flammes de l’abîme éternel. La mort ou la folie venaient quelquefois les délivrer promptement de ces affreux combats contre la souffrance et le désespoir ; et dans le sixième siècle, on fonda à Jérusalem un hôpital pour recevoir une petite partie des pénitens dont les austérités avaient troublé la raison[1] ; mais avant que leur délire arrivât à cet excès qui ne permettait plus de le révoquer en doute, leurs visions ont fourni des matériaux abondans à l’histoire des prodiges et des miracles. Ils croyaient fermement que l’air qu’ils respiraient était peuplé d’une multitude d’ennemis invisibles, d’innombrables démons voltigeant sans cesse autour d’eux, prenant à leur gré toutes sortes de formes, épiant avec soin toutes les occasions de les épouvanter, et particulièrement de tenter leur vertu. Leur imagination,

    confiées par ce malheureux jeune homme à saint Chrysostôme, son ami. (Voyez les Œuvres de Middleton, vol. I, p. 107, 210.) On trouve quelque chose de semblable au commencement de la vie de presque tous les saints ; et le fameux Inigo ou Ignace, fondateur des jésuites, peut servir d’exemple, Vie d’Inigo de Guipuscoa, t. I, p. 29-38.

  1. Fleury, Hist. ecclés., t. VII, p. 46. J’ai lu dans la Vie des Pères, mais je ne me rappelle pas dans quel endroit, que plusieurs moines, et même je crois un grand nombre d’entre eux, qui n’osèrent pas révéler leurs tentations à leur abbé, se rendirent coupables de suicide.