Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/497

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bués à leurs précieux restes surpassèrent en nombre et en durée les exploits spirituels de leurs vies ; mais la politique ou la crédulité de leurs confrères ont fort embelli les légendes dorées où sont contenues les histoires de leurs vies[1] ; et les peuples d’un siècle non moins crédule se sont persuadés facilement que la volonté d’un moine d’Égypte ou de Syrie suffisait pour interrompre l’ordre éternel de l’univers. Ces favoris du ciel étaient accoutumés à guérir les malades les plus désespérés en les touchant de la main, quelquefois même d’une parole, ou par un message, lorsqu’ils se trouvaient trop éloignés. Ils forçaient les démons les plus opiniâtres à sortir ou des âmes ou des corps dont ils s’étaient emparés ; les lions et les serpens du désert s’en laissaient approcher familièrement et se soumettaient à leurs ordres suprêmes. Ils faisaient renaître la végétation dans un tronc dépouillé de sève, faisaient nager le feu sur la surface des eaux. Ces contes extravagans qui offraient les fictions de la poésie sans briller de son génie, ont trop sérieusement influé sur la raison la foi et la morale des chrétiens. Leur crédulité dégradait les fa-

  1. Je ne sais comment choisir ou indiquer les miracles contenus in vit. Patrum de Rosweyde, car leur nombre surpasse de beaucoup celui des mille pages de ce volumineux ouvrage. On en trouvera un échantillon agréable dans les Dialogues de Sulpice-Sévère et dans la Vie de saint Martin. Il révère les moines de l’Égypte ; il fait cependant une remarque humiliante pour eux, c’est qu’ils ne ressuscitèrent jamais de morts, tandis que l’évêque de Tours en a rappelé trois à la vie.