Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/503

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et la société effacèrent insensiblement les préjugés de l’enfance et de l’éducation ; les vertus extravagantes des moines soutinrent les préceptes moraux de l’Évangile, et la théologie spirituelle se maintint par l’influence des reliques et de la pompe du culte religieux : mais les missionnaires qui travaillaient à la conversion des infidèles, ont pu employer quelquefois un moyen de persuasion ingénieux et sensé, qui fut suggéré à un saint par un évêque saxon[1]. « Admettez, dit cet habile controversiste, toutes les fables qu’ils racontent de la généalogie de leurs dieux et déesses engendrés les uns par les autres ; partez de ce principe pour démontrer l’imperfection de leur nature et leurs infirmités humaines, pour prouver que puisqu’ils sont nés, il est probable qu’ils mourront. Dans quel temps, par quel moyen, par quelle cause le plus ancien de leurs dieux ou de leurs déesses a-t-il été produit ? Continuent-ils, ou ont-ils cessé d’engendrer ? S’ils n’engendrent plus, sommez votre adversaire de vous rendre raison d’un changement si extraordinaire. S’ils engendrent encore, le nombre des dieux doit se multiplier à l’infini : et ne peut-on pas risquer d’exciter le ressentiment de quelque Dieu supérieur, en adorant imprudemment

  1. Voyez une épître originale et envieuse de Daniel, le premier évêque de Winchester (Bède, Hist. eccles. Anglic., l. V, c. 18, p. 203, édit. Smith), à saint Boniface, qui prêcha l’Évangile aux sauvages de la Hesse et de la Thuringe. Epistol. Bonifacii, LXVII. In maximâ bibliothecâ Patrum, t. XIII, p. 93.