Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 6.djvu/529

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bert, roi d’Austrasie, et de la fameuse Brunehaut. La belle Ingonde, de race mérovingienne, et attachée à la foi orthodoxe, passa, à l’âge de treize ans, à la cour arienne de Tolède, où elle fut reçue, aimée et persécutée. Goisvintha, reine des Goths et grand’mère maternelle d’Ingonde, abusa de cette double autorité, et se servit alternativement des caresses et de la violence[1]. Irritée de la pieuse résistance de cette jeune princesse, Goisvintha la saisit par ses longs cheveux, la terrassa, la mit en sang à force de coups, et termina cette scène de fureur par l’ordre inhumain de dépouiller Ingonde et de la plonger nue dans un bassin ou petit étang[2]. L’amour et l’honneur excitèrent sans doute Hermenegild à venger l’injure de son épouse, et il se persuada insensiblement qu’elle avait souffert pour la cause de la vérité. Les plaintes touchantes de la princesse, et les argumens de Léandre, archevêque de Séville, achevèrent sa conversion : l’héritier de la couronne des Goths embrassa la foi de Nicée, et

  1. Goisvintha épousa successivement deux rois des Visigoths ; Athanigild, dont elle eut Brunehaut, mère d’Ingonde ; et Leuvigild, dont les deux fils, Hermenegild et Recarède, étaient nés d’un premier mariage.
  2. Iracundiæ furore succensa, adprehensam per comam capitis puellam in terram conlidit, et diu calcibus verberatam, ac sanguine cruentatam, jussit expoliari, et piscinæ immergi. Saint Grégoire de Tours, l. V, c. 39, t. II, p. 255. L’autorité de saint Grégoire est une des meilleures pour cette portion de l’histoire.