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Respect des Goths pour la religion chrétienne.

Cependant la proclamation d’Alaric, au moment où il pénétra en vainqueur dans la ville, fit voir qu’il n’était point dépourvu des sentimens de religion et d’humanité. En encourageant ses soldats à s’emparer sans scrupule des biens qui devenaient le prix de leur valeur, et à s’enrichir des dépouilles d’un peuple opulent et efféminé, il leur recommanda d’épargner la vie des citoyens désarmés, et de respecter les églises des saints apôtres, de saint Pierre et de saint Paul, comme des asiles et des sanctuaires inviolables. Au milieu des horreurs d’un tumulte nocturne, plusieurs Goths firent admirer le zèle d’une conversion récente ; et les écrivains ecclésiastiques rapportent, et peut-être avec quelques embellissemens, plusieurs exemples de leur piété et de leur modération[1]. Tandis que les Barbares parcouraient la

    irrumpit. Orose, l. VII, c. 39, p. 573. Il raconte en sept mots ce grand événement ; mais il remplit des pages entières de la dévotion des Goths. J’ai tiré d’une histoire invraisemblable de Procope, les circonstances qui m’ont paru avoir quelque air de probabilité. Procope, De bell. vandal., l. I, c. 2. Il suppose que la ville fut prise tandis que les sénateurs dormaient après leur dîner ; mais saint Jérôme, dont le témoignage a beaucoup d’autorité, assure, avec plus de vraisemblance, que ce fut dans la nuit : Nocte Moab capta est ; nocte cecidit murus ejus. Tom. I, p. 121 ad Principiam.

  1. Orose (l. VII, c. 39, p. 573-576) applaudit à la piété des Goths chrétiens, sans paraître réfléchir que le plus grand nombre était de la secte d’Arius. Jornandès, c. 30, p. 653, et Isidore de Séville (Chron. p. 714, édit. Grot.) qui étaient fort attachés au parti des Goths, ont répété et embelli ces