Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/195

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de travailler à délivrer l’état des usurpations, du vice et de l’ignorance. Il invoque le souvenir de ses contemporains en témoignage de l’intégrité de sa vie publique. Il avait réprimé par son autorité l’orgueil et la tyrannie des officiers royaux, et son éloquence avait sauvé Paulianus, qu’on allait livrer aux chiens du palais. La misère des habitans des provinces, ruinés par les contributions qu’exigeait le fisc, ou par les extorsions que se permettaient les particuliers, avait toujours excité sa compassion, et avait souvent reçu de lui des soulagemens. Il avait seul osé résister à la tyrannie des Barbares enorgueillis par leurs conquêtes, excités par la cupidité, et, ainsi qu’il s’en plaint, encouragé par l’impunité. Dans ces nobles contestations, son courage s’élevait au-dessus du danger et peut-être de la prudence ; et on sait, d’après l’exemple de Caton, que la vertu pure et inflexible est la plus disposée à se laisser égarer par le préjugé et entraîner par l’enthousiasme, et qu’elle a pu confondre les inimitiés privées avec la justice publique. Le disciple de Platon s’exagérait peut-être les infirmités de la nature humaine et les imperfections de la société ; et l’autorité d’un roi goth, quelle que fût la douceur de son gouvernement, le fardeau même de la fidélité et de la reconnaissance qu’il lui devait, durent paraître insupportables à l’âme libre d’un patriote romain ; mais sa faveur et sa fidélité déclinèrent dans la même proportion que le bonheur public ; et on lui donna, en qualité de maître des offices, un indigne collègue qui partageait et qui contrôlait