Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 7.djvu/199

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poésie et de l’éloquence, possédait déjà sans doute cette intrépidité calme qu’il affectait de chercher. Il fut enfin tiré de l’incertitude, le plus grand des maux, par l’arrivée des ministres de mort, qui exécutèrent et pressèrent peut-être l’ordre cruel de Théodoric. On attacha autour de sa tête une grosse corde, qu’on serra au point que ses yeux sortirent presque de leurs orbites ; et ce fut sans doute par une sorte de compassion que, pour abréger son supplice, on le fit expirer sous les coups de massue[1]. Mais son génie lui survécut et a jeté un rayon de lumière sur les siècles les plus obscurs du monde latin ; le plus illustre des rois d’Angleterre a traduit les écrits de ce philosophe[2], et Othon III fit transférer dans un tombeau plus honorable les ossemens d’un saint catholique à qui des persécuteurs ariens avaient procuré les honneurs du martyre et la réputation de faire des mi-

  1. Il fut exécuté in agro Calventiano, Calvenzano entre Marignan et Pavie (Anonym. Valois, p. 723), par ordre d’Eusèbe, comte de Ticinum ou de Pavie. Le lieu de sa prison est appelé aujourd’hui le Baptistère, forme d’édifice et nom particulier aux cathédrales, La tradition perpétuelle de l’église de Pavie ne laisse point de doute sur cette identité. La tour de Boëce a subsisté jusqu’en 1584, et nous en avons encore la gravure. (Tiraboschi, t. III, p. 47, 48).
  2. Voyez la Biographia britannica, Alfred, t. I, p. 80, 2e édit. Ce travail est encore plus honorable s’il a été exécuté sous les yeux du savant Alfred, par les docteurs tant étrangers que nationaux, qu’il avait rassemblés autour de lui. Consultez sur la réputation de Boëce dans le moyen âge, Brucker, Hist. crit. philosoph., t. III, p. 565, 566.